L'enterrement de casagemas, Pablo Picasso, 1901
- Victoire
- il y a 2 jours
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Cette oeuvre est une huile sur toile peinte par Picasso vers 1901 actuellement conservée au MAM de la ville de Paris. Intitulée Evocation et sous titrée L’enterrement de Casagemas, elle représente dans la partie inférieure l’enterrement effectif de ce peintre, meilleur ami de Picasso, dont la mort a poussé ce dernier dans la dépression : c’est le début de sa « période bleue ».
La partie supérieure de l’oeuvre dépeint Casagemas probablement au paradis, sur un cheval blanc, entouré d’un couple d’enfants et d’un couple d’adultes nus. Ce qui s’apparentait à une nuée d’anges révèle finalement des prostituées uniquement vêtues de jarretières.

Ce tableau est une évocation directe de L’enterrement du comte d’Orgaz du Greco tant dans la composition séparée entre registres terrestre et divin, que dans le traitement des figures, pour certaines allongées à l’extreme dans le style maniériste. Cette allusion au Greco transparait aussi dans la palette utilisée, et notamment le bleu si particulier que le peintre utilise pour colorer ses ciels. L’évocation de cet artiste espagnol pourrait contribuer à rendre hommage à son ami, également peintre espagnol.
Cependant, loin d’une simple reproduction, d’un modeste pastiche, Picasso reprend dans cette toile les codes de la peinture religieuse pour mieux les détourner et les subvertir. Ainsi, on peut également remarquer l’influences plus moderne de Cézanne dans le traitement des corps nus dans la partie supérieure, hérité des Baigneuses que Picasso a probablement eu l’occasion d’admirer lors de la rétrospective en l’honneur de Cézanne en 1907. Par ailleurs, le cheval bleu est une référence explicite aux Noces de Chagall.
Tout comme la disparition des peintres anciens est conjurée par l’évocation de leur relève moderne, la mort de Casagemas est également conjurée par l’évocation d’une vie après la mort qui se caractérise ici par le plaisir charnel (les prostituées) et les joies de l’amour (le couple naïf d’enfants, et celui plus mature d’adultes). Notez la façon dont les individus endeuillés avec leurs habits sombres, recueillis autour de la dépouille enveloppée d’un linceul blanc sur le plan terrestre contrastent avec le dynamisme du plan céleste qui désacralise pourtant la religion en la travestissant.
Ce travestissement de la peinture traditionnelle repose enfin sur la déconstruction de la perspective, émancipée des théories albrechtiennes : si le caveau familial aux tons ocres est construit selon les règles de la perspective cavalière, les personnages évoluent dans un fond uni seulement composé d’aplats de couleurs. En cela, l’artiste s’éloigne du réel, amorçant la transition de la peinture figurative vers le cubisme, puis l’abstraction.
Victoire Gheleyns
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