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(6) LES REPRÉSENTATIONS DU MONDE DANS LES ARTS - Les Nouvelles Indes et les deux taureaux

  • Photo du rédacteur: Victoire
    Victoire
  • 15 mai
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 4 sept.


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Les Nouvelles Indes et les deux taureaux est une tapisserie de la manufacture des Gobelins, réalisée d’après le cartonnier Alexandre Francois Desportes vers 1734. Elle est actuellement exposée dans l’escalier d’honneur du Château de Valençay. Provenant d’abord de la résidence de Talleyrand, cette oeuvre a été réalisée afin de célébrer l’expédition hollandaise au Brésil, et représente une récolte de canne à sucre.

Au premier plan, deux taureaux sont tissés, tirant une charrue emplie de denrées. Tandis que le taureau blanc pourrait représenter l’Europe, le taureau marron pourrait symboliser les peuples amérindiens. C'est en tous cas ce que suggèrent les rayures qui parcourent sa peau, par leur caractère exotique.

Plus vif, l’oeil agile, il semble nous regarder d’un oeil inquisiteur, tandis que le deuxième continue de tracer sa route. Ce jeu de regard pourrait caractériser un échange de point de vue : ce ne sont plus les Européens qui découvrent les peuples autochtones, mais bien ces derniers qui goûtent à la civilisation européenne et se l'approprient.


L’exotisme est omniprésent dans cette oeuvre : citons parmi tant d'autres le perroquet dynamique aux couleurs vives, le dindon en bas à gauche et le cochon d’Inde à droite, le cocotier auquel un singe est accroché, la multitude de plantes luxuriantes... mais aussi la présence de fruits tels que la grenade, la canne à sucre ou la papaye, non seulement dans la charrue, mais aussi dans le panier. Cette accumulation hétéroclite de faune et de flore témoigne bien du caractère hautement exotique de ces contrées.


D’autre part, la plantation de canne à sucre, à l’arrière plan, rend compte non seulement de l’aspect exotique du Brésil, mais aussi de l’implantation, de la grandeur et de la prospérité des Hollandais. Ainsi, les constructions industrialisées soulignent l’avancée technologique supérieure du pays colonisateur porteur de civilisation, symbolisée par la brouette et les bâtiments au loin ; de progrès, comme le montre l’exploitation ; et de richesse, symbolisée par les riches tentures soutenues par les deux esclaves. La première, bleue sur fond jaune, rappelle les armoiries des Pays-Bas, qui imposent leur puissance aux pays colonisés. La deuxième, finement brodée, pourrait représenter le faste de la Hollande. Enfin, les deux esclaves, placés de part et d’autre des armoiries néerlandaises, semblent également célébrer ce pays colonisateur, le portant à son apogée.


C’est donc une représentation biaisée et idéalisée qui se dégage de cette oeuvre : tout appelle à la célébration et l’apothéose des Pays-Bas. Ainsi, les colons de même que toute image de violence sont absents de la tapisserie, de laquelle se dégage une atmosphère paisible. Les couleurs sont estompées, et laissent place au dessin et au détail, produisant un paysage se rapprochant finalement des jardins européens. Enfin, le cadre en trompe-l’oeil contribue à faire de cette tenture une oeuvre caractéristique des arts décoratifs européens du XVIIIe siècle.... On est encore bien loin de la représentation neutre d'un ailleurs exotique.


Ainsi, cette représentation du Brésil, de prime abord regorgeant d’exotisme, reste tout de même européanisée par son traitement. Au-delà d’une simple représentation de l’Amérique et des colonies, c’est finalement une véritable apothéose de la Hollande qui se dégage de la tapisserie.



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