Les Nouvelles Indes et les deux taureaux est une tapisserie de la manufacture des Gobelins, réalisée d’après le cartonnier Alexandre Francois Desportes vers 1734. Elle est actuellement exposée dans l’escalier d’honneur du Château de Valençay. Provenant d’abord de la résidence de Talleyrand, cette oeuvre a été réalisée afin de célébrer l’expédition hollandaise au Brésil, et représente une récolte de canne à sucre.
Au premier plan, deux taureaux sont tissés, tirant une charrue emplie de denrées. Tandis que le taureau blanc pourrait représenter l’Europe, le marron pourrait symboliser les peuples amérindiens, comme le souligne l’exotisme qui ressort des rayures qui parcourent sa peau. Plus vif, l’oeil agile, il semble alors nous regarder d’un oeil inquisiteur, tandis que le deuxième continue de tracer sa route, ce qui pourrait caractériser un échange de point de vue : ce ne sont plus les Européens qui découvrent les peuples autochtones, mais bien ces derniers qui goûtent à la civilisation européenne. L’exotisme est alors omniprésent dans cette oeuvre : le perroquet dynamique aux couleurs vives, le dindon en bas à gauche et le cochon d’Inde à droite, le cocotier auquel un singe est accroché, la multitude de plantes luxuriantes, mais aussi la présence de fruits tels que la grenade, la canne à sucre ou la papaye, non seulement dans la charrue, mais aussi dans le panier témoignent bien du caractère hautement exotique de ces contrées.
D’autre part, la plantation de canne à sucre, à l’arrière plan, rend compte non seulement de l’aspect exotique du Brésil, mais aussi de l’implantation et de la grandeur et de la prospérité des Hollandais. Ainsi, les constructions industrialisées montrent bien l’avancée technologique supérieure du pays colonisateur, qui apporte civilisation, symbolisée par la brouette et les bâtiments au loin ; progrès, comme le montre l’exploitation ; et richesse, symbolisée par les riches tentures soutenues par les deux esclaves. La première, bleue sur fond jaune, rappelle les armoiries des Pays-Bas, qui imposent leur puissance aux pays colonisés. La deuxième, finement brodée, pourrait représenter le faste de la Hollande. Enfin, les deux esclaves, placés de part et d’autre des armoiries néerlandaises, semblent également célébrer ce pays colonisateur, le portant à son apogée.
C’est ici une représentation biaisée et idéalisée qui se dégage de cette oeuvre : tout appelle à la célébration et l’apothéose des Pays-Bas. Ainsi, les colons de même que toute image de violence sont absents de la tapisserie, de laquelle se dégage une atmosphère paisible. Les couleurs sont estompées, et laissent place au dessin et au détail, produisant un paysage se rapprochant finalement des jardins européens. Enfin, le cadre en trompe-l’oeil témoigne encore du caractère peu exotique du traitement de cette tenture.
Ainsi, cette représentation du Brésil, de prime abord regorgeant d’exotisme, reste tout de même européanisée par son traitement. Au-delà d’une simple représentation de l’Amérique et des colonies, c’est finalement une véritable apothéose de la Hollande qui se dégage de la tapisserie.
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