Dès l’Antiquité, l’homme, qu’il soit philosophe ou scientifique, artiste ou géographe a toujours essayé de représenter le monde. Ainsi, il n’est pas étonnant que de nombreuses œuvres, témoignant d’une vision du monde précise, ont obtenu un place prépondérante dans l’art. Cependant, c’est à partir du XVIe siècle que ces représentations, plus ou moins exactes ou idéalisées, ont fructifié jusqu’à atteindre leur apogée. En effet, avec l’évolution drastique des instruments de mesure et les progrès techniques, avec l’essor des Grandes Découvertes et des tours du monde, avec la volonté de voyager et découvrir la Terre, les individus se sont intéressés à cette question de la représentation d’un monde au centre de l’univers. Ces représentations ont alors profondément évolué au cours des siècles, et notamment jusqu’au XVIIIe, siècle des Lumières, où la réflexion sur la condition humaine finit par prévaloir sur la découverte du monde. Cependant, ces représentations d’une certaine vision du monde, ne reflèteraient-elles pas une réflexion sur la nature de l’homme et sa place dans le monde qui l’entoure ? Témoignant chacune d’une méditation sur le monde, ces oeuvres ont néanmoins des buts bien différents : tandis que certaines réfléchissent sur l’origine de ce monde, d’autres dénotent une volonté de le comprendre, d’autres enfin s’attachent à essayer de le définir précisément. Cependant, ces oeuvres sont parfois empreintes des conceptions ethno-centrées de la part des Européens. Ainsi, elles marquent parfois la volonté, par une représentation idéalisée ou biaisée du monde, de glorifier un continent, une nation, ou même une famille.
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La Fontaine des Quatre-Fleuves a été bâtie par Le Bernin sur la Piazza Navona, à Rome, entrée 1648 et 1651. Cependant, de nombreux artistes ont également apporté leur contribution à cette sculpture. Cette fontaine baroque représente alors les allégories de quatre fleuves, qui représentent chacun un continent. Ainsi, le Danube, sculpté par Antonio Raggi, symbolise l’Europe, tandis que le Gange, réalisé par Claude Poussin, caractérise l’Asie. Le Nil, fleuve d’Afrique, fut réalisé par Giacomo Antonio Fancelli. Enfin, Francesco Baratta a sculpté, pour sa part, le Rio de la Plata, fleuve d’Amérique. Seule l’Océanie est absente de cette représentation, n’ayant été découverte qu’en 1770. Commandée par le Pape Innocent X, cette sculpture symbolise la paix qui parcourt le monde connu, comme en témoigne la colombe au sommet de l’obélisque, tenant dans son bec un rameau d’olivier. L’obélisque de seize mètres, originaire du cirque de Maxence, date du Ier siècle, et a probablement été réalisé en Égypte. Alors originaire de continents différents, l’obélisque pourrait déjà symboliser le mélange des cultures, et le caractère cosmopolite de Rome. De même, l’obélisque, placé au centre des continents et surplombé par la colombe, symbole de la famille Pamphili, à laquelle le pape appratient, pourrait montrer la place de démiurge d’Innocent X, et au travers lui, de Dieu : au centre du monde, c’est lui qui l’ordonne et le gouverne.
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Le Danube est personnifié par un dieu de la mer, accompagné d’un cheval. Un blason pontifical lui est également associé, montrant la place particulièrement importante de l’Église, et plus précisément du pape en Europe.
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Le Gange est représenté pour sa part avec un aviron, caractérisant sa navigabilité. De plus, un serpent, cousin éloigné du dragon, permet encore d’associer ce pan de la Fontaine à l’Asie.
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D’autre part, l’Egypte est représenté aux côtés d’un lion, roi de la savane. Le voile recouvrant le géant associé au Nil symbolise le mystère de sa source, dont l’emplacement est inconnu.
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Enfin, la statue caractérisant le Rio de la Plata tient un sac duquel s’écoulent des pièces d’or, et est placée proche d’un tatou, symbolisant l’Amérique. Ce sont alors la richesse des ressources de ce contient qui sont célébrées : les conquêtes et la colonisation ont été un apport considérable pour toute l’Europe, tant au niveau des denrées que des terres conquises. Enfin, d’autres animaux tels un dauphin et un monstre de mer sont également représentés, afin de renforcer le caractère aquatique de l’œuvre.
Ainsi, cette Fontaine des Quatre-Fleuves représente ici la diversité omniprésente au sein de la planète, et célèbre chaque contient, tant pour ses ressources que pour sa civilisation. Le mouvement qui se dégage de chaque allégorie, propre au baroque, symbolise pour sa part le caractère instable du fleuve, qui fluctue et menace à tout instant de déborder. C’est aussi un symbole du caractère universel de la Terre : chaque fleuve finit finalement par rejoindre les autres en se jetant dans la mer où les courants les font s’entremêler. Cependant, le mouvement caractérise également les changements qui s’opèrent au fil de l’eau, et l’évolution de la vision du monde dans chaque continent. Idéalisée, cette sculpture place sur un pied d’égalité chaque continent découvert -bien que l’Amérique a l’air affaiblie, chancelant sur son rocher - et prône la paix diffusée par le biais de la religion. Cette dernière trône alors en équilibre, supporté par le même rocher qui soutient chaque continent.
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