Le Cabinet d’un Collectionneur est une huile sur toile réalisée en 1652 par l’artiste flamand Frank Franken II. Il est actuellement exposé au Kunsthistorisches Museum de Vienne. Une « Kunstkammer », ou « chambre d’art » y est alors représentée. Tandis qu’une multitude d’objets hétéroclites sont exposés au premier plan au sein d’un cabinet de curiosité, l’arrière-plan laisse entrapercevoir une deuxième pièce dans laquelle deux individus semblent discuter.
Deux sortes d’objets sont alors exposés : des naturalia, éléments provenant directement de la nature et non retravaillés par l’homme, et des artificialia, objets manufacturés ayant reçu une transformation de la main de l’homme. Sans ordre ou catégorisation précise, les chefs d’œuvres humains et naturels sont alors placés pèle-mêle : les statues côtoient les bijoux, les coquillages sont placés au côté de pièces de monnaie... En effet, le but des Wunderkammer était de classer les objets par analogie : c’est le réseau entre matière, être vivant et esprit qui permet de percer le mystère de la création, et de réinventer un monde à portée de main, où l’exotisme le plus lointain côtoie les objets finement ciselés des manufactures du pays.
Deux tableaux de paysage captent d’abord le regard, et permettent à l’esprit de s’évader vers d’autres contrées, présentant un avant-goût du voyage qui va s’opérer au fil de la visite du cabinet de curiosité. En dessous, d’autres huiles sur toile, représentant aussi bien des scènes mythologiques ou historiques, que des scènes de genre cohabitent. Le peintre finit même par se représenter sur un tableau, peignant lui-même une jeune femme, et opère alors une double mise en abyme, ce qui lui permet de faire prévaloir l’aspect exotique de la peinture et de l’art. Ainsi, une statue baroque semble désigner de son bras les tableaux, toute entière tournée vers eux, tandis que l’homme l’enlace et la retient. Dans un meuble marqueté, des parures sont peintes sur un ostensoir, symbolisant la richesse des Pays-Bas. De même, les pièces d’or, placées à même la table, mais aussi dans la coupe a demi-cachée derrière un tableau ovale montrent le faste de la Flandre. C’est donc une vision du monde relativement centrée sur la Flandre que semble peindre Frank Franken II.
Néanmoins, cette représentation du monde s’élargit avec la présence de globes, non seulement au premier plan, mais aussi dans le fond du tableau, derrière un tableau - serait-ce un moyen de montrer que l’art est placé au sommet de tout, excluant les autres domaines de pensée ? De même, les nombreux coquillages qui parsèment le tableau incitent au voyage, et proposent un aperçu des contrées les plus éloignées. Les livres et missives décachetées, étendues au pied du globe, symbolisent non seulement l’appel de la nouveauté et du voyage, mais aussi la connaissance et le développement de la science à cette époque. Les deux hommes discutant dans la pièce d’à côté, de même que les nombreuses portes ouvertes et la fenêtre à droite du tableau semblent caractériser l’ouverture au monde de l’artiste.
Cependant on peut également déceler un aspect plus sombre dans cette représentation du monde. Les nombreux bijoux, les coquillages et la coupe ne désigneraient ils pas aussi la vanité des biens matériels ? Les pièces ne symboliseraient elles pas la cupidité de la colonisation, parfois encline à la cruauté ?
Ainsi cette toile fait preuve d’une grande ambiguïté : célébrant et dénonçant la colonisation et le voyage, elle nous incite à méditer sur la vanité de nos actions, de nos connaissances et de nos représentations d’un monde centré sur nous-mêmes. Cependant, cet appel à la réflexion, n’est ce pas le propre de tout cabinet de curiosité ? Découvrir le monde pour nous découvrir nous-mêmes.
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