Guido Reni, L’ENLEVEMENT D’HELENE, 1631
- Isaure
- 2 sept.
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L’enlèvement d’Hélène est une huile sur toile réalisée par Guido Reni en 1631. C’est un tableau de grand format (253 x 265 cm), conservé au musée du Louvre, à Paris.
Guido Reni est un peinte italien classique du XVIIème siècle (1575 -1642). Il appartient à
l’école bolonaise et s’inspire beaucoup de l’enseignement des frères Carrache, c’est-à-dire des modèles idé
alisés, selon les canons de l’Antiquité, mais avec une touche naturaliste.
L’enlèvement d’Hélène relate le moment où Pâris, tombé follement amoureux d’Hélène suite à l’épisode de la Pomme de la Discorde, enlève la reine de Sparte pour l’emmener à Troie. Cette œuvre représente ainsi le déclenchement de la célèbre guerre de Troie narrée dans l’Iliade d’Homère, qui embrasera l’ensemble du monde hellénique pendant près d’une décennie. Par ailleurs, il faut noter que cette peinture s’inscrit dans le contexte chrétien de la Contre-Réforme.

Cette représentation est une des seules œuvres représentant Hélène consentant à son départ avec Pâris, conformément à l’Iliade, alors que les artistes privilégient souvent l’action violente pour peindre l’enlèvement d’Hélène, à l’instar de Tintoret. Le style classique de Guido Reni renforce l’impression de calme des personnages car leurs sentiments semblent contenus. L’oeuvre respecte aussi les canons de l’Antiquité : ainsi, l’isocéphalie des personnages évoque une frise antique.
Il faut noter l'importance symbolique du décor qui donne au spectateur des clés de lecture essentielles à la compréhension de l'oeuvre : à gauche des personnages, on peut voir les murailles de la ville de Sparte, tandis qu’ils se dirigent vers la mer à droite du tableau. Le couple est suivi par trois servantes et précédé par trois guerriers qui désignent la mer où les navires mouillent avant de s’embarquer pour Troie.
Par ailleurs, les deux groupes distincts de personnages symbolisent deux visions du monde : les femmes du côté de la muraille représentent implicitement le foyer, alors que les hommes sont tournés vers la mer, l’ailleurs et la guerre. Or Hélène tourne le dos aux murailles et se dirige vers la mer. C’est avec cette dynamique que tout s’enclenche et que la guerre devient ainsi inéluctable. Dès lors, de nombreux symboles confèrent une portée morale et chrétienne à cette oeuvre en particulier la lutte du bien contre le mal. Celle-ci est illustrée d’abord par la présence du chien, symbole de la fidélité délaissée par Hélène, qui fait face au singe, symbole de vice.
De même, les couleurs choisies par l’artiste renforcent cette dichotomie entre le bien et le mal : Pâris porte un vêtement rouge, symbole de la passion, mais aussi du danger, du mal et du diable. Alors qu’Hélène est vêtue de blanc symbole de pureté. Remarquons que Pâris porte la ceinture donnée par Aphrodite. L’amour entre Hélène et Pâris apparaît ainsi comme un amour néfaste et funeste, passion illégitime qui mène à la destruction de Troie.
Ce tableau est une leçon de morale à destination des contemporains de l’artiste, car si les personnages respectent les canons de beauté antique, ils sont vêtus à la mode du XVIIe, et les hommes et femmes du XVIIe pouvaient donc s’identifier plus facilement aux personnages ou du moins considérer ce sujet comme très actuel. D’ailleurs l’une des servantes semble regarder fixement le spectateur comme pour le prendre à témoin. Son mutisme et son obéissance ne l’empêchent pas de dénoncer implicitement ce qui est en train de se dérouler, tandis qu’une seconde servante tourne la tête vers les murailles avec tristesse et regret en tenant également un chien dans ses bras, ce qui contraste avec l’infidélité de sa maîtresse et dénonce sa démarche. Mais ces femmes sages qui aimeraient empêcher l’acte d’Hélène n’ont pas le pouvoir de le faire et ne peuvent que la condamner en silence tout en suivant les pas de leur maîtresse qui les conduit à la guerre.
Enfin, remarquons que la guerre s’annonce comme une fatalité avec le putto portant une torche, symbole de l’incendie de Troie, et les navires en arrière plan. De même, Cupidon, avec son arc et ses flèches, symbolise la folie amoureuse de Pâris. Le putto nous regarde dans un avertissement solennel, invitant le spectateur à une méditation sur la morale et la raison.
Cette oeuvre est touchante pour sa beauté classique d’une part, et aussi pour son invitation à une réflexion à la fois morale, philosophique et chrétienne sur les luttes entre le bien et le mal, les passions contre la raison. Guido Reni, en choisissant ce sujet antique, nous fait réfléchir aussi sur la fragilité de la paix et l’embrasement des passions qui peuvent conduire si facilement à la guerre aujourd’hui encore. Cette oeuvre a donc une portée universelle et s’inscrit non seulement dans son contexte historique mais nous interpelle encore au XXIe siècle.
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