⏰ jusqu’au 14 juillet 2024
Les expositions sur le courant impressionniste, les rétrospectives sur Monet, Cézanne, Degas et autres grandes figures de ce mouvement se sont multipliées ces dernières années. Cependant, l’exposition du musée d’Orsay est parvenue à sortir des sentiers battus : pour les 150 ans de l'impressioniste, elle nous replonge directement dans l’époque de la première exposition impressionniste qui s’est tenue en 1874, au même moment que le Salon académique.
La scénographie nous emporte dans l'appartement de Nadar, aux murs damassés de rouge, où la première exposition impressionniste s'était tenue : les peintures à l'huile jouxtent les nombreux dessins et pastels, les tableaux de Morisot (Le berceau) et Degas (Classe de danse) côtoient ceux de Pissaro (Les Châtaigniers à Osny) et Astruc (Les présents chinois). Ils représentent alors des scènes de la vie quotidienne, n’hésitant pas à faire du peuple - ouvriers, travailleurs, paysans - le sujet de leurs tableaux, désormais tournés vers la modernité.
Ils revendiquent également la peinture en plein air afin de brosser sur le vif les paysages et les scènes qu'ils observent : l'impression prime sur le caractère léché et achevé des tableaux académiques. C'est d'ailleurs ce qui leur a valu le sobriquet d' « impressionnistes », terme forgé par le journaliste Louis Leroy pour qualifier ironiquement, entre autres tableaux de Boudin, Sisley et Pissaro, la fameuse toile Impression, soleil levant de Monet.
Face à l'exposition des impressionnistes réunis en « société anonyme » se dresse le fameux Salon : on y redécouvre les toiles et scultpures acceptées par le jury et la Direction des Beaux-Arts. La mode est alors à l'orientalisme avec Les coptes dans la Haute-Egypte de Henriette Browne ou La Mort du premier-né de Pharaon de Lawrence Alma Tadema, et les premiers prix sont notamment attribués à Jean-Léon Gérôme pour son Éminence grise et Antonin Mercié pour sa sculpture Gloria Victis.
Si les 2000 tableaux exposés en 1874 étaient accrochées bord à bord, éclairés à la lampe à huile, recouvrant les murs jusqu'au plafon sans laisser le moindre blanc, le musée d'Orsay a choisi de les rendre plus accessibles tout en respectant les grandes lignes de la scénographie du Salon de 1874.
Et quelle surprise de voir, parmi les artistes acceptés par le jury, de nombreux chefs de file du courant impressioniste ! Ainsi, Berthe Morisot et Marie Cassat avaient choisi de présenter leurs oeuvres dans les deux expositions, tandis que Manet avait farouchement refusé d'exposer au salon impressionniste : il souhaitait avant tout être reconnu par le salon académique, et après de multiples refus, son tableau Le Chemin de fer fut accepté au Salon de 1874. Ce succès ne fut pourtant que de courte durée : accroché à côté d’un peintre plus conventionnel (De Nittis), sa peinture fut la risée du public.
Le musée d'Orsay propose enfin un élargissement sur l'exposition impressionniste de 1877 : dans la continuité du salon de 1874, le mouvement prend de l'ampleur, accueille plus de visiteurs et crée son propre journal même si l'exposition est un échec financièrement et commercialement.
Un mouvement était né.
Cette exposition retrace ainsi brillamment la genèse de ce mouvement, ses liens avec le Salon, et enfin son envol malgré la puissance de ses détracteurs... Un pari réussi pour le musée d’Orsay !
Pour aller plus loin…
Berthe Morisot, Dominique Bona
Muse de Manet, elle-même peintre reconnue et exposée au Salon comme chez Nadar, Berthe est au coeur du mouvement des impressionnistes. Artiste audacieuse, qui revendique avant tout sa liberté, ses oeuvres allient la grâce maternelle à la fraicheur des impressions. Ce sont ainsi des tableaux de la vie mondaine, mais aussi des scènes de la vie quotidienne, des portraits croqués au pastel...
Cette biographie offre donc une nouvelle vision - doublement féminine - des impressionnistes, mais aussi des relations qu’entretenait ce petit cercle avec les artistes qui gravitaient autour d’eux (Mallarmé, Zola).
À lire absolument si vous voulez replonger dans le XIXe siècle et revivre cette folle aventure qui ouvrit une nouvelle ère artistique, celle de la lumière et des impressions brossées sur le vif.
Salons, Baudelaire
La reconstitution de l'exposition du Salon de 1874 vous a plu et vous souhaitez découvrir les pépites cachées que recellent les salons précédents ? Les Salons de Baudelaire vous combleront : poète et critique d'art, il livre ses impressions et commente les tableaux qui l'ont marqué avec un regard critique, une verve aussi féroce qu'élogieuse, et une langue toujours aussi élaborée. Il est, selon ses mots, à la recherche du « vrai peintre, qui saura arracher à la vie actuelle son côté épique ». S'il célèbre donc Delacroix en lequel il voit « la dernière expression du progrès dans l'art », il peut se montrer particulièrement mordant envers les peintres « à la mode » et primés par le salon. Comme il l'écrit dans Le Peintre de la vie moderne, « La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable. » : un artiste peut être à la mode, mais il doit passer l'épreuve du temps pour être considéré véritablement comme tel.
Organisés en articles, ces Salons invitent à être feuilletés, médités, et vous offrent un riche aperçu de cette époque d'ébullition artistique.
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