Durant la Renaissance, les couvents et monastères commandaient aux artistes beaucoup d’oeuvres représentant la Cène. Ces fresques étaient placées dans le réfectoire afin que les religieux puissent méditer pendant leur repas. Le mot « Cène » est issu du terme latin « cena » signifiant repas du soir. Ces fresques se trouvent donc dans les réfectoires, appelés cenacoli en italien, car elles représentent le dernier repas du Christ avec les apôtres.
Le maître de RaphaËl
La célèbre Cène du Pérugin, se trouve dans le Cenacolo di Fuligno au couvent Sant’Onofrio à Florence. Cette oeuvre d’art date d’environ 1493-1496. Elle fut redécouverte en 1800 et d’abord attribuée à Raphaël. Le Pérugin l’a peinte au sommet de sa gloire. Pietro di Cristoforo Vannucci, plus connu sous le nom de Le Pérugin est un peintre italien des XVe et XVIe siècles. C’est un célèbre artiste de la Renaissance qui fut l’élève de Verocchio et le maître de Raphaël. Il peint majoritairement des thèmes religieux.
Cette fresque respecte les règles de la perspective, notamment avec le pavement du sol. Ce dernier est composé de motifs roses et blancs et ressemble à celui des Miracles de Saint Bernardin, peint par le Pérugin dans sa jeunesse. Le Pérugin accorde également une grande importance à l’architecture, avec les colonnes à grotesques à l’arrière-plan. On peut remarquer que la technique des drapés, les couleurs qu’il choisit et la douceur qui émane de ses tableaux ne sont pas sans rappeler celles de son élève, Raphaël.
Dynamique des regards
Les personnages représentés sont Jésus et les douze apôtres. Ils sont placés autour d’une table en forme de « U ». Tous sont assis sur un banc dont le dossier est tapissé de vert, à l’exception de Judas d’Iscariote qui, conformément à la tradition, se tient de l’autre côté de la table, sur un tabouret. Ce dernier est de dos. Il tient dans sa main gauche une bourse remplie de pièces, prix de sa trahison. C’est le seul disciple de Jésus n’ayant pas d’auréole. Il regarde le spectateur.
Le nom des apôtres est mentionné sur le gradin peut-être dans un souci de lecture du tableau de la part du peintre ou de ses commanditaires. Ainsi de gauche à droite, on voit Jacques d’Alphée, qui regarde le spectateur avec mélancolie, Philippe, Jacques de Zébédée, André, Pierre qui tient un couteau
dans la main et semble à la fois très contrarié et affligé. Au centre de la table, on peut voir Jésus qui pose la main sur Jean, son disciple bien-aimé. Ce dernier, à gauche de Jésus, est endormi, apaisé. Il symbolise la confiance absolue dans le Christ. A gauche de Jean, se trouvent Barthélemy, Matthieu, Thomas et Simon le Zélote.
Un tableau dans le tableau
Dans la partie supérieure du tableau, on peut voir des colonnes à grotesques encadrant un paysage. Conformément à la tradition flamande, reprise par les artistes italiens, le paysage n’est pas un simple élément décoratif mais s’inscrit dans un projet d’ensemble: il y a un lien entre les personnages du premier plan et le paysage. En effet, dans ce paysage on aperçoit Jésus priant, alors que les disciples qui l’accompagnent sont endormis. Un ange est visible dans le ciel. Cette scène représente l’agonie dans le jardin des oliviers. Cette partie de l’oeuvre préfigure donc la nuit de l’arrestation de Jésus, durant laquelle il demande à ses disciples de prier avec lui, mais ces derniers s’endorment. C’est sans doute pour cette raison que le Christ, s’il est présent physiquement dans la Cène, semble spirituellement ailleurs, en prière. La scène en arrière-plan et le premier plan semblent donc se renvoyer l’une et l’autre comme un jeu de miroirs. Il y a comme un tableau dans le tableau avec deux moments de narration. Le regard baissé de Jésus symbolise-t-il le mystère de la Passion?
Le mystère demeure.
Alix Guedj
Comentários