Le Géographe est une huile sur toile réalisée par Vermeer entre 1668 et 1669. Elle est actuellement exposée au Städelsches Kunstinstitut, à Frankfort-sur-le-Main, et a longtemps été associée au tableau L’Astronome, pour sa composition, son modèle et son sujet semblable. Cette oeuvre représente ainsi un savant moderne, au visage décidé, regardant vers l’extérieur en quête de nouvelles contrées. Le Géographe, en appui sur une table, tient dans sa main droite un compas. Une intense réflexion intellectuelle suspend alors ce dernier dans l’espace. Le caractère désordonné de la salle, accentué par les plis qui parcourent la riche tenture, les cartes qui jonchent la pièce, ou la malle, fermée, laissée à même le sol, mais aussi par les nombreuses ombres diffuses qui s’étendent et rampent sur les murs peuvent alors symboliser la réflexion qui prend possession des pensées du géographe. Le regard du scientifique, dirigé vers la fenêtre, cherche ainsi une solution à travers l’observation précise du monde qui l’entoure. Le peintre prône ici une ouverture au monde, qui est pourtant absent du tableau : les fenêtres brouillent le paysage, les cartes sont vierges, et la seule carte représentant un semblant de paysage est à demi-coupée.
Des cartes sont ainsi étalées sur cette même table, éclairées par une lumière rasante qui s’échappe par la fenêtre, et semble prendre possession de l’espace. Certaines sont roulées, d’autres complètement aplanies. Cependant, que ce soit pour les planisphères présents sur la table ou derrière le géographe, il est impossible d’apercevoir leur contenu, à cause de la lumière vive qui se dégage de la porte vitrée. Seule une carte nautique, probablement de l’Europe, du cartographe Willem Hanz Blauen, également accroché au mur, au fond à droite, se laisse lire. Elle permet alors de rappeler la toute-puissance maritime de la Hollande. En effet, à la fin des années 1660, le commerce maritime néerlandais était à son apogée, suite à la victoire des Pays-Bas sur l’Angleterre. Ainsi, ils acquièrent une hégémonie sur la mer du Nord, qui leur permet de développer considérablement leur commerce, déjà particulièrement prospère. Le Géographe est alors le reflet d’une époque dans laquelle les Pays-Bas du Nord évoluent pour devenir un Etat moderne libre, ouvert au progrès, prônant la tolérance religieuse, leur permettant d’asseoir une autorité internationalement reconnue. Le globe en haut d’une étagère, côtoie un amas de vieux livres, symbolisant la connaissance. D’autre part la puissance des Pays-Bas est évoquée à plusieurs reprises, notamment par la riche et lourde tenture au premier plan sur le coin gauche de l’oeuvre. Bien qu’elle soit plongée dans l’ombre, obscurcie par un clair-obscur, il est tout de même aisé de deviner sa préciosité. Ainsi, cette tapisserie rappelle la technique artistique et le commerce florissant des Pays-Bas, notamment par l’intermédiaire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. D’autre part, la chaise dont seule la moitié est représentée dans le tableau, également richement décorée, participe à la gloire de ce pays. Enfin, l’habit du scientifique, une lourde robe de chambre rouge et bleue, probablement d’origine japonaise, témoigne de la prouesse hollandaise.
Ainsi, cette oeuvre témoigne bien d’une représentation du monde à la gloire des Pays-Bas : en décrivant ce monde, l’artiste met en valeur la puissance de la Hollande sur celui-ci. Que ce soient les instruments géographiques ou la démonstration de la richesse de ce pays, ce tableau a encore une fois une portée politique. Cependant, cette toile invite également à la réflexion par la figure du géographe : seul homme de face que Vermeer ait jamais représenté avec L’Astronome, son aspect méditatif nous enjoint à contempler le monde, afin d’en comprendre son étendue, et ses limites : le rideau, cachant une partie de la fenêtre, a vocation à être tiré, c’est une invitation au voyage.
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