Le thème du repas est très présent dans l’histoire de l’art. De l’Antiquité à nos jours, les artistes n’ont cessé de le représenter avec des points de vue et des objectifs différents.
Dans l’Antiquité, les artistes ont souvent représenté le banquet, moment clé dans les cités grecques ou romaines, comme en témoigne le cratère en cloche du peintre Nicias. En effet, les banquets étaient des moments d’échanges intellectuels. Au-delà d’un repas, c’est une occasion de parler philosophie, littérature ou politique. Prendre part à un banquet signifie donc avoir une place importante dans la cité de l’époque. Vers 380 avant J.C, Platon écrit Le Banquet, mettant en scène Socrate qui participe à un banquet chez le poète Agathon. Cet ouvrage est donc une illustration de l’importance du banquet dans l’antiquité comme un lieu d’échanges culturels.
Au Moyen-Âge, posséder un manuscrit enluminé est réservé aux riches seigneurs. Au XVe siècle, le duc de Berry commande à Herman, Paul et Jean Limbourg, surnommés les frères Limbourg, un livre d’heures : Les très riches Heures du duc de Berry. La miniature Janvier dépeint le repas du duc de Berry. Ce dernier, placé à la droite du tableau, est attablé devant un festin. Ce manuscrit et ses illustrations permettent au duc d’afficher sa richesse et sa positon sociale.
Durant la Renaissance, les couvents et monastères commandaient aux artistes beaucoup d’oeuvres représentant la Cène. Le mot « Cène » est issu du terme latin « Cena » signifiant repas du soir. Ces fresques se trouvent donc dans les réfectoires, appelés cenacoli en italien, car elles représentent le dernier repas du Christ avec les apôtres. Elles permettaient aux religieux de méditer pendant leur repas. Ainsi, parmi les innombrables représentations de la Cène que l'on peut admirer en Italie, Andrea Del Sarto peint une Cène qui se trouve dans le Cenacolo di San Salvi à Florence.
Au XVIe siècle, en 1568, Pieter Brueghel l’Ancien peint Le repas de noces. L’artiste se détache des techniques des grands maîtres italiens ou flamands et peint le monde paysan. Il se distingue ainsi des artistes de son époque. Dans ce tableau, on peut voir une longue table, la composition en angle est commune aux représentations de la Cène. Tous semblent apprécier le repas. Toutefois, la mariée, assise devant un morceau de tissu vert, ne mange pas, et son mari n’est pas présent, comme le veut la tradition. Les parents de la mariée sont à sa droite. Les gerbes de blé au dessus d’eux sont symboles de fertilité.
Au XVIIe siècle, des artistes français, comme les frères Le Nain, représentent parfois le repas de paysans, souvent pauvres.
En Espagne aussi, des peintres, tels Velasquez ou Murillo, représentent la pauvreté, voire la misère qui touchent certains paysans et les enfants, à travers des scènes de genre mettant en scène un repas. Murillo peint en 1645-1646 Les Mangeurs de melon et de raisin . Cette huile sur toile représente deux enfants dans la rue qui doivent mendier leur nourriture.
Au XIXe siècle, peindre le repas permet de témoigner de la vie de l’époque, notamment pour les impressionnistes.
Ainsi Auguste Renoir qui peint Le Déjeuner des canotiers entre 1880 et 1881. Le tableau représente quatorze personnes discutant autour d’un repas dans une atmosphère joviale. Tous sont des amis ou des modèles de l’artiste.
En 1865-1866, Claude Monet, dans son tableau Déjeuner sur l’herbe, en hommage au tableau éponyme de celui d’Édouard Manet, peint la société bourgeoise de l’époque.
En 1891, le post-impressionniste Paul Gauguin, dans Le Repas ou Les Bananes représente trois Tahitiens devant un repas. Les fruits exotiques retiennent ici l’attention du spectateur. Peindre le repas permet notamment ici de représenter les coutumes tahitiennes. C’est l’un des premiers tableaux de l’artiste après son arrivée à Tahiti.
Au XXe siècle, Norman Rockwell peint Freedom from Want en 1942, qui représente un repas de Thinksgiving. Il a été peint en partie le jour de la fête. C’est l’un de ses tableaux les plus célèbres. C’est le troisième tableau d’une série représentant les quatre libertés. Les oeuvres ont été inspirées du discours prononcé par Franklin Roosevelt le 6 janvier 1941 après l'entrée en guerre des Etats-Unis. Dans ce tableau, les personnages sont souriants, l’argenterie a été sortie et une dinde occupe le centre du tableau. L’oeuvre est devenue une représentation iconique de Thanksgiving par son caractère joyeux et festif malgré le contexte historique.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, certains artistes appartenant au mouvement Pop Art dénoncent la surconsommation et le gaspillage à travers leurs oeuvres. La série Campbell's Soup Cans, de l’artiste Andy Warhol, dénonce la société de consommation de son époque. L’oeuvre est composée de trente-deux posters représentant chacun une boîte de conserve, toutes affichent des parfums différents.
Le repas sous toutes ses formes est donc un sujet d’inspiration inépuisable pour les artistes et une source de réflexion permanente pour les spectateurs.
Alix Guedj
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